Remarque importante
Il me paraît évident d’insister sur le point suivant :
La Sunna qui possède cette importance dans la législation [islamique] est uniquement celle qui a été vérifiée -par des méthodes d’investigation scientifiques et sur la base de chaînes de transmission authentiques connues des spécialistes du hadith et de ses narrateurs- comme émanant du Messager d’Allah. Ce n’est pas celle qui se trouve dans les divers ouvrages d’exégèse coranique, de jurisprudence, d’incitation et d’intimidation, d’exhortation, etc... En effet, cette littérature regorge de hadiths faibles (Da‘îfs), rejetés (munkar) et forgés (Mawdû‘) que l’Islâm désavoue même totalement pour certains comme celui de Hârût et Mârût ou le récit d’Al Gharânîq.
J’ai d’ailleurs écrit et publié une épître entièrement consacrée à l’invalidation de ce récit. J’ai en outre entrepris le travail de citation des sources (Takhrîj) d’une grande partie de ces hadiths dans mon ouvrage intitulé « Silsilatul Ahâdîth Ad-Da‘îfa Wal Mawdû‘a Wa Atharuha As-Sayyi’ ‘Alal Umma ».
Leur nombre s’élève à présent à environ quatre mille mais seulement cinq cent d’entre eux ont fait l’objet d’une publication.
Il incombe donc aux gens de science -et cela vaut surtout pour ceux qui propagent et diffusent leur savoir et leurs avis juridiques (fatawas)- de ne tenir compte d’un hadith qu’après s’être assurés que celui-ci est avéré. Car les ouvrages de jurisprudence auxquels ils se réfèrent sont remplis, et cela est bien connu des savants, de hadiths faibles et rejetés ou sans fondement aucun. J’avais d’ailleurs entrepris un projet d’une importance capitale selon moi et qui aurait pû s’avérer très profitable pour les personnes qui s’occupent plus particulièrement de la jurisprudence. Je l’avais intitulé : « Les hadiths faibles dans les ouvrages de jurisprudence de référence » en m’intéressant aux titres suivants :
1. « Al Hidâya » d’Al Marghînâni pour ce qui est de l’école hanafite.
2. « Al Mudawwana » d’Ibn Al Qâsim pour l’école mâlikite.
3. « Charh Al Wajîz » d’Al Râfi‘i pour ce qui est du droit châfi‘ite.
4. « Al Mughni » d’Ibn Qudâma pour l’acole hanbalite.
5. « Bidâyatul Mujtahid » d’Ibn Rushd Al Andalûsi dans la discipline du droit comparé.
Malheureusement, il ne m’a pas été donné de l’achever en raison de sa non publication par la revue « Al Wa‘yul Islâmi Al Kuwaytiyya » qui l’avait pourtant bien accueilli et m’avait promis de s’en charger après en avoir pris connaissance. Mais peut être aurai-je une autre occasion, in shâ Allah, d’établir -pour nos frères s’occupant spécifiquement de l’étude de la jurisprudence- une méthodologie scientifique précise qui puisse les aider et leur faciliter l’accès à la connaissance du degré d’authenticité de tout hadith, et ce :
1. En consultant les ouvrages de référence auxquels il est impératif d’avoir recours à ce niveau.
2. En mettant en évidence les spécificités et les avantages de chacun de ces ouvrages, tout en précisant ce sur quoi on peut se fonder [parmi les hadiths qu’ils contiennent].
Le hadith de Mu‘âdh relatif à l’opinion personnelle : sa faiblesse et ce qu’il faut en désapprouver
Je ne pourrais achever mon intervention sans attirer l’attention de l’assistance sur un célèbre hadith présent dans quasiment tous les ouvrages traitant de la science des fondements du droit islamique. Ma remarque tiendra en deux points :
1. Son faible degré d’authenticité du point de vue de sa chaîne de transmission.
2. Sa contradiction avec la double conclusion de notre étude, à savoir :
* l’interdiction de séparer le Coran et la Sunna sur le plan de la législation.
* la nécessité de se fonder simultanément sur ces deux sources de référence.
Le hadith en question est celui de Mu‘âdh Ibn Jabal (qu’Allah l’agrée) qui nous relate que « le Prophète صلى الله عليه وسلم lui avait dit, en le dépêchant au Yémen : « D’après quoi jugeras-tu ? » Ce à quoi il lui répondit : « D’après le Livre d’Allah. » Le Prophète lui dit ensuite : « Et si tu ne n’y touves pas [ton jugement] ? » Il lui dit alors : « [Je le chercherai] dans la Sunna du Messager d’Allah. » Et le Prophète de reprendre : « Et si tu n’y trouves pas [ton jugement] ? » Il lui dit alors : « J’entreprendrai un effort de réflexion personnelle et je n’épargnerai pas mes forces pour trouver une solution. » Ce que le Prophète commenta en disant : « Louange à Allah qui permis à l’émissaire de Son Messager de le satisfaire. » »
J’ai mis cela en évidence d’une façon indiscutable et peut être sans précédent dans mon ouvrage cité plus haut : « Silsilatul Ahâdîth Ad-Da‘îfa Wal Mawdû‘a Wa Atharuha As-Sayyi’ ‘Alal Umma ».
Je me contenterai simplement de rappeler ici le jugement qu’en a donné le commandeur des croyants en termes de hadith. L’Imâm Al Bukhâri le qualifie en effet de « munkar ». Ce qui me permet à présent d’évoquer cette contradiction à laquelle j’ai fait allusion dans mon propos précédent.
Ce hadith fournit, pour le juge, une méthodologie fondée sur trois étapes successives. Ainsi, il n’est permis à ce dernier d’établir son jugement sur la base d’un raisonnement personnel que s’il ne le trouve pas déjà dans la Sunna. De même, il ne lui est permis de puiser son jugement dans la Sunna que s’il ne le trouve pas dans le Coran. Une telle démarche est certes fondée chez l’ensemble des savants pour ce qui est du recours à la réflexion personnelle. Ainsi ces derniers ont-ils coutume de dire : « Tout raisonnement personnel est caduque en présence d’un Texte ».
Toutefois, elle ne l’est pas pour ce qui est du recours à la Sunna [dans le second cas], car c’est elle qui statue sur le Coran et l’explicite.
Il est donc impératif, pour les raisons que nous avons évoquées auparavant, de rechercher le jugement [relatif à une question donnée] dans la Sunna, même si l’on pense que le dit jugement se trouve dans le Coran. Ainsi, la Sunna n’est absolument pas, par rapport au Livre d’Allah, ce que le raisonnement personnel est vis-à-vis de celle-ci. Il est nécessaire de considérer le Coran et la Sunna comme ne formant qu’une seule et unique source de référence, ainsi qu’il y est fait allusion dans les propos suivants du Prophète صلى الله عليه وسلم : « [Que l’on sache] que j’ai reçu le Coran et son équivalent avec ». et :
« ...jamais ils ne se sépareront, jusqu’à ce qu’ils soient mis sur le fleuve des Prophètes ».
La catégorisation évoquée ici n’est donc pas correcte en ce qu’elle implique la séparation de ces deux sources, ce qui est nul et non avenu ainsi que nous l’avons vu précédemment.
Voilà les points sur lesquels j’ai souhaité attirer [votre] attention. Tout ce que j’ai dit de juste vient d’Allah et mes erreurs ne proviennent que de moi-même. J’implore Allah de nous préserver de tout faux pas et de tout ce qu’Il n’agrée pas, et notre dernière invocation est : « Que la louange soit à Allah, le Seigneur des Mondes ».
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Oum Mouqbil
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Sujet: Re: L’importance de la Sunna Mar 20 Jan - 19:06
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Notes :
[1] Sourate La Famille de ‘Imrâne, Verset 102. (traduction relative et approchée)
[2] Sourate Les Femmes, Verset 1. (traduction relative et approchée)
[3] Sourate Les Coalisés, Verset 70 et 71. (traduction relative et approchée)
[4] Sourate Les Vents dispersateurs, Verset 55. (traduction relative et approchée)
[5] Sourate Les Abeilles, Verset 44. (traduction relative et approchée)
[6] Sourate La Table, Verset 67. (traduction relative et approchée)
[7] Sourate La Table, Verset 38. (traduction relative et approchée)
[8] Rapporté par Al Bukhâri et Muslim
[9] Sourate Les Femmes, Verset 43
Sourate La Table, Verset 6. (traduction relative et approchée)
[10] Sourate Les Bestiaux, Verset 82. (traduction relative et approchée)
[11] Rapporté par Al Bukhâri, Muslim et d’autres
[12] Sourate Les Femmes, Verset 101. (traduction relative et approchée)
[13] Rapporté par Muslim
[14] Sourate La Table, Vetset 3. (traduction relative et approchée)
[15] Rapporté par Al Bayhaqi et d’autres dans des hadiths remontant jusqu’au Prophète Marfu‘) ou s’arrêtant à un compagnon Mawqûf). Précisons que la chaîne du hadith Mawqûf est authentique et qu’il a le statut d’un hadith Marfû‘ car un tel propos ne peut être tenu sur la base d’une opinion personnelle.
[16] Sourate Les Bestiaux, Verset 145. (traduction relative et approchée)
[17] Rapporté par Al Bukhâri et Muslim
[18] Sourate Al A‘râf, Verset 32. (traduction relative et approchée)
[19] Rapporté par Al Bukhâri
[20] Sourate Les Femmes, Verset 80. (traduction relative et approchée)
[21] Sourate Les Femmes, Verset 65. (traduction relative et approchée)
[22] Sourate Les Coalisés, Verset 36. (traduction relative et approchée)
[23] Sourate Al Hashr, Verset 7. (traduction relative et approchée)
[24] Authentifié par Al Bukhâri et Muslim
[25] Charh Al’Aqîda At-Tahâwiyya p212 4ème édition
[26] Rapporté par Mâlik et par Al Hâkim sur la base d’une chaîne de transmission bonne (hasan)
http://www.sounna.com/spip.php?article19